| 03/02/2003  LE 
MOT DE L'AMBASSADEURTouristes, guides, 
encyclopédies...
  Le 
retour désormais amorcé des Français sur la côte dalmate 
est avant tout l'occasion, pour un public exigeant, de (re)découvrir la 
Croatie, son identité, sa culture, son patrimoine. Le florilège 
de guides spécialisés dernièrement parus en France répond 
à cette attente, et leur qualité en fait souvent des ouvrages de 
référence dont l'importance sur le plan culturel n'est pas négligeable. 
Paradoxalement, encyclopédies et dictionnaires ont du mal à suivre 
et brillent davantage par les approximations et les omissions qui émaillent 
leurs articles consacrés à la Croatie.
  L'année 
2002 vient de marquer un spectaculaire renouveau de l'intérêt 
des touristes français pour la Croatie. En termes statistiques, leur nombre 
a doublé par rapport à l'année précédente. 
Certes, il s'agit encore d'un effectif relativement modeste puisqu'il frise les 
150 000 visiteurs, chiffre qu'on n'ose comparer aux cohortes de vacanciers qui 
déferlent sur l'Espagne, l'Italie ou les pays de Maghreb. Il ne représente 
que 2 % des sept millions de visiteurs (dont 1,4 millions d'Allemands 
et 1,1 millions d'Italiens) accueillis cette année en Croatie. Et 
surtout, ce n'est que la moitié du nombre des Français qui, voilà 
vingt ans, visitaient l'ancienne Yougoslavie, essentiellement la côte croate 
et monténégrine. Entre-temps, la Croatie a dû face faire à 
une guerre qui a ravagé ou mis hors d'usage une bonne partie de ses infrastructures 
hôtelières. Pourtant, les choses s'améliorent peu à 
peu, et l'on peut se réjouir de voir que le nombre de Français a 
été multiplié par quatre en trois ans, ce qui est de très 
bon augure pour l'avenir.
 Cela étant 
dit, l'objet de mon propos n'est pas ici d'analyser le phénomène 
de la redécouverte de la Croatie 
par les touristes français à la manière des professionnels 
du secteur, c'est-à-dire sur un plan économique et commercial, bien 
que cela ne soit pas dénué d'intérêt si l'on considère 
que la croissance rapide observée ces dernières années devrait 
se poursuivre. Notre intérêt se porte avant tout vers la dimension 
plus générale, culturelle, en somme, de ce nouvel engouement des 
Français. Autrement dit, comment cela se reflète-t-il sur la connaissance 
et la perception que l'on a en France de la Croatie et des Croates en général 
?  En effet, 
bien que notre pays ait une très longue histoire, ce n'est que très 
récemment qu'il a recouvré son indépendance. 
Aussi n'y a-t-il rien de surprenant que le besoin de se faire connaître, 
d'afficher aux yeux du plus grand nombre une identité à la fois 
proche, différente et enrichissante, soit un objectif diffus et sous-jacent 
dans un secteur d'activité important qui est en même temps un formidable 
vecteur d'échange entre les hommes. Rôle 
culturel  A n'en 
pas douter, ce qui compte le plus, c'est l'expérience directe du pays. 
Mais il y a un avant et un après. Avant de choisir une destination, le 
futur touriste a été sollicité à travers les médias, 
les affiches, les campagnes publicitaires. 
D'autres feront leurs recherches dans les guides, les encyclopédies ou 
dans toute autre publication.  Pour 
difficile qu'il soit de généraliser sans disposer de plus d'éléments, 
on peut néanmoins avancer que, s'il est une chose qui caractérise 
les touristes français qui se rendent en Croatie, c'est d'abord leur très 
grande diversité. D'après les professionnels du secteur et selon 
notre propre expérience, la plupart d'entre eux y cherchent avant tout 
le plaisir de découvrir un nouveau pays, ses paysages, ses sites, son patrimoine... 
Spontanément, l'Adriatique - spécialement sa rive orientale, avec 
la superbe côte istrienne et dalmate - peut-être n'évoque-t-elle 
pas pour les Français la même chose que pour les habitants de l'Europe 
centrale, pour lesquels elle reste essentiellement la mer chaude la plus proche, 
raison principale de leur fréquentation massive et régulière. 
Les motivations du visiteur français de la Croatie sont, elles, plus large 
et celui-ci se montre très attentif aux informations disponibles.
 
 
| Pour les 
Français, l'Adriatique croate n'évoque pas spontanément la 
même chose que pour les touristes d'Europe centrale, pour lesquels elle 
reste avant tout la mer chaude la plus proche. Les motivations du visiteur français, 
très attentif aux informations disponibles, sont plus large.  |  C'est la 
raison pour laquelle nous sommes particulièrement attachés à 
la qualité et au sérieux de celles-ci. Elles ne sont vraiment utiles 
que quand elles sont solides et fiables. Et de ce point de vue nous avons des 
raisons d'être plutôt satisfaits. Nous avons eu peu de platitudes 
publicitaires, dans la presse ou à la télévision françaises 
; en revanche, la Croatie a fait l'objet de plusieurs contributions écrites 
et télévisuelles de grande qualité 
dont nous mesurons encore les effets positifs.  
 
 
|  |   
| L'île 
de Katina, à l'entrée du parc national des Kornati. |  Un chapître 
à part revient sans conteste aux guides touristiques. Mon collaborateur, 
Zvonimir Frka-Petesic, rédacteur de ce site, évoquait ici-même 
l'été dernier un véritable "florilège 
de nouveaux guides" ! De fait, en trois ans il en est paru pas moins 
de six ! Et deux autres sont en préparation. Bien qu'ils aient chacun leur 
particularité, ce qui est souhaitable, la plupart renferment une partie 
générale consacrée à l'histoire du pays, de son peuple, 
à son héritage culturel. De ma propre expérience, je sais 
que cette partie de guide est régulièrement lue. Quelquefois, comme 
ce fut le cas avec le guide Gallimard, l'éditeur engage la collaboration 
des meilleurs spécialistes du pays. D'autres préfèrent recourir 
à la consultation d'un spécialiste pour éviter erreurs ou 
fautes d'interprétation. Le résultat en est toujours une approche 
bienveillante mais objective. A leur manière, compte tenu de leurs tirages 
relativement importants, les guides touristiques de la Croatie jouent aujourd'hui 
un rôle culturel de plus en plus remarquable. Clichés 
et lacunes 
 
| Les ouvrages 
de référence semblent marquer le pas. Ainsi, la toute dernière 
édition du Petit Robert de la langue française persiste à 
ignorer l'adjectif "croate", qui n'a toujours pas droit de cité. 
 |  Du côté 
                des encyclopédies et des ouvrages dits de référence, 
                c'est hélas un tout autre son de cloche. Là le public 
                n'est pas ciblé, pas de sous-entendu de voyage. L'approche, 
                différente, se voudrait empreinte d'esprit de rigueur et 
                d'objectivité. On ne peut cependant s'empêcher de 
                constater à quel point les auteurs s'accommodent mal de 
                l'éclatement de l'ex-Yougoslavie. Ainsi, dans une de ses 
                dernières éditions, l'Encyclopædia Universalis 
                lui consacrait toujours un très long article, à 
                la recherche de savants équilibres entre ses anciennes 
                composantes nationales, pourtant désormais constituées 
                en États indépendants. De même, la toute dernière 
                édition du Petit Robert de la langue française 
                persiste à ignorer l'adjectif "croate", qui 
                n'a toujours pas droit de cité. Le Petit Robert des 
                noms propres, plus à jour, paraît quant à 
                lui s'attacher davantage à l'histoire des minorités 
                qu'à celle de la nation même à laquelle il 
                consacre l'article... Que dire enfin des nombreux stéréotypes 
                négatifs qui émaillent ces textes, clichés 
                auxquels les Croates sont légitimement sensibles (rappel 
                du rôle des oustachis croates profascistes, mais silence 
                sur celui des antifascistes croates partisans 
                de Tito qui les ont combattu et vaincu pendant la Seconde 
                Guerre mondiale). On pourrait ainsi multiplier les exemples.  Bref, 
peut-être faudrait-il souhaiter aux collaborateurs des encyclopédies 
et dictionnaires qu'ils voyagent davantage
 si possible en emportant un bon 
guide touristique !  Bozidar 
GAGROAmbassadeur de Croatie en France
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